Quand le passé déteint sur l’avenir...
2047 : Le monde est dévasté par le dérèglement climatique, la pénurie de ressources, le chômage, la paupérisation et les luttes interethniques. Les démocraties ont peu à peu disparu pour laisser place à un totalitarisme fondé sur le profit et la paranoïa. Les pauvres, pourchassés par une police implacable, ont perdu tous leurs droits et sont réduits à vivre en marge de la société.
À Géricaux, sous les platanes de la grand-place, les vieux jouent aux cartes en lorgnant sur les jeunes mamans. Lune, la belle prêtresse, salue le soleil chaque matin et Hahaiah, la sauvageonne autiste, poursuit les papillons. La vie y est ponctuée par la cloche de l’école, le souffle du bétail, le marteau du forgeron, la hache du charpentier, le bruit des marmites et le rire des enfants.
Hélas, la mort et la désolation rodent autour de la Communauté et des anges vont pleurer.
« 2047 » est avant tout un roman d’ambiance, et même d’ambiances au pluriel. Construit à l’américaine, avec une longue partie consacrée à la description des personnages qui ne semble pas toujours appartenir à l’histoire ou contribuer à l’avancement du récit.
D’abord ambiance Cyberpunk, avec ses poncifs : pollution, pluies acides, répression, marginaux. Cette ambiance est une extrapolation du climat actuel et de ses dérives potentielles. L’auteur y a ajouté une dimension ethno-religieuse, prévoyant même avec quelques mois d’avance (le roman original est paru en juillet 2005), l’embrasement des banlieues et l’embarras des forces policières face à cette guérilla imprévue. Le terrorisme n’est plus appréhendé de manière pragmatique, mais considéré comme une donnée inéluctable, comme le réchauffement planétaire ou la diminution des ressources énergétiques. Il n’est plus l’apanage de groupuscules plus ou moins secrets, plus ou moins structuré. Il est devenu une composante habituelle du paysage politique.
À l’opposé, ambiance Communauté, au sens Hippies, modèle retour à la Terre, sans la composante ludique, avec une pincée de Kolkhoze du début de l’ère bolchevique, sans apparatchiks, un zeste de Kibboutz, version fifties, quand les jeunes de toute nationalité et de toute confession venaient avec pelle et pioche planter des orangers dans le désert du Néguev.
Il n’y a aucun conflit possible, ni même envisageable, entre ces deux versions de la civilisation future. Les tenants de la nature ont déserté le confort tarifé du monde sécuritaire. Les tenants de la civilisation policée n’envient pas les mains calleuses et les plaisirs frustes de la campagne.
Le seul conflit ne peut, à priori, n’être qu’interne à chacun des univers.
À moins, évidemment, de trouver un personnage ayant des intérêts ou des attaches dans les deux camps et suffisamment charismatique pour générer un conflit majeur.
Ce personnage, bien sûr, ce sera Lune, une jeune fille belle, attirante, éclatante, mais aussi, vénéneuse, sombre, inquiétante, une sorte de sorcière moyenâgeuse, cueillant des simples, concoctant des philtres, délivrant des horoscopes, mi-Pythie, mi-chamane. On l’aime et on la craint et surtout, une aura de mystère entoure son arrivée dans la Communauté.
Alors, bien entendu, quand survient le premier meurtre d’enfant, toutes les peurs ancestrales resurgissent et se focalisent sur la Sorcière.
Laquelle Sorcière d’ailleurs est prise de doutes, car un autre personnage aux étranges pouvoirs, Hahaiah la petite autiste, fait remonter de vieux souvenirs enfouis et allume un brasier qui ne s’éteindra plus, pas même après la dernière page.
Bien entendu, qui dit thriller, dit suspens et vous n’en saurez pas plus, à moins de lire ce livre, évidemment. |